jeudi 26 mars 2009

Investir... Pour quel avenir?

Le terme "développement durable" est devenu très à la mode ces derniers temps, et est employé, comme tant d'autres expressions, uniquement pour sa connotation et nullement pour son sens profond. Au mieux, quelques intellectuels mettent en avant l'incohérence entre la signification sémantique et la vision réductionniste du terme par le grand public, puisqu'un dévéloppement durable signifie une croissance et une transformation sur le long terme.

Mais on ne trouve pas, ou si peu, de réflexions qui nous cadrent temporellement ce "durable"? Qu'en est-il de cette durée, de ce temps qui nous intéresse ici? Va-t-on considérer durable ce qui survit à la journée, au siècle ou au million d'année?

La question peut sembler n'être qu'une réflexion d'intellectuel éthéré, mais sa répercussion dans le quotidien de chacun est réel.
Ainsi des groupes pétroliers possèdent-ils des politiques de développement durable qui voient rarement plus loin que 10 ou 20 ans. On peut continuer à utiliser le pétrole et à pomper les réserves durablement, les conditions dans 15 ans ne seront pas changées et l'on peut se taxer de responsable. Certes, dans 50 ans Paris sera sous les eaux et les énergies manqueront si l'on ne tue pas un tiers de la population, mais cela est en-dehors de la notion de durabilité de ces groupes.

L'exemple des pétroliers est loin d'être isolé. Les politiques européennes en matière d'agriculture et d'énergie sont encore plus myopes. Pour elles, un politique est durable si elle tient jusqu'au prochain sommet concernant ce dossier. L'exemple des quotas de pêche est particulièrement significatif: si la ressource existe encore dans 5 ans, on autorise un quota élevé, et l'on avisera alors. Et si, comme dans le cas du thon de Méditerranée, les effectifs sont en-dessous du seuil de survie à ce moment-là, ce sera aux équipes suivantes de se débrouiller...


Dès lors, la question se pose: qu'appelle-t-on durable? Peut-on se permettre de ne voir qu'à court terme, ce qui risque de nuire à ce que l'on veut préserver, ou entrevoir une politique sur le long terme, qui a plus de chance de tomber caduque en raison d'événements futurs?

On est tenté de répondre: "Cela dépend du domaine." Cette réponse n'est pas suffisante, car tout, de la culture du petit pois en Mongolie à l'étalement urbain de Yaoundé en passant par les effectifs des ours du parc de Yellowstone, est lié. Les ressources, en particulier les ressources biologiques, et les phénomènes sociaux présentent une grande variabilité dans leur temps de renouvellement, mais les plus longs sont influencés par les plus courts, et il faut une considération globale de l'avenir pour permettre un développement vraiment durable.

Que voulons-nous vraiment? Une société qui dure encore quelques années, jusqu'à notre mort, jusqu'à celle de nos enfants ou jusqu'à la fin de notre civilisation? Voulons-nous que nos enfants connaissent la diversité biologique et le confort que nous connaissons, ou voulons -nous offrir un cadre de vie au moins aussi bon que celui que nous avons tant qu'il y aura des Hommes?

Soyons honnêtes: aussi durables que nous voulions être, jamais nous ne pourrons assurer un développement durable jusqu'à la fin de l'humanité. Nous passerons le flambeau en espérant le meilleur pour la succession, mais ne pouvons rien assurer. En revanche, nous pouvons nous sacrifions pour les générations que nous côtoierons. Pas seulement nos enfants, mais aussi nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants. Ce n'est pas à l'échelle de la décennie qu'il faut penser le développement durable, mais à l'échelle du siècle.

Et cela, hélas, ne semble pas être la vision des politiques actuelles, tant gouvernementales que privées, qui ne visent que les quelques années qui suivent...

E.G.E.