jeudi 8 octobre 2009

Les ravages du bio


Vous n'avez pas pu le louper: dans votre marché, votre supermarché, dans des boutiques spécialisés et même, désormais, à la cantine: le bio est de mise!

Le bio, c'est quoi?
Le "bio", ou agriculture biologique, c'est déjà une locution qui ne veut rien dire. Toute agriculture est, par définition, biologique, à moins que vous n'arriviez à faire pousser des barres d'acier dans votre potager.

Trêve de mauvais esprit étymologique, le "bio", c'est surtout une agriculture dans laquelle les composés industriels ne sont pas utilisés comme engrais, pesticides, insecticides, etc. Attention! Cela ne signifie pas que l'on n'utilise pas d'engrais ou d'insectides! Seulement, ce sont uniquement des composés organiques (comme du compost) ou chimiques artisanaux (comme la bouillie bordelaise).

Le bio, ça change quoi?
La conséquence première d'une telle agriculture, c'est la très nette diminution des rendements. Du coup, les produits agricoles bio sont légitimement plus chers que les produits agricoles conventionnels, du moins pour une origine équivalente.
Après cette constante, les effets varient énormément d'une culture à l'autre et d'une région agricole à l'autre. Ne nous leurrons pas: l'agriculture biologique a été pensée et conçue en Europe Occidentale, et elle est très bien adaptée à cette région du monde. Si un maraîcher breton, par exemple, choisit de passer à l'agriculture biologique, il utilisera moins de phosphates, qui se retrouveront moins dans les nappes phréatiques, et donc l'eau de boisson sera de meilleure qualité et les marées vertes sur le littoral moins fréquentes. Dans ce cas, comme dans la plupart des cas en Europe Occidentale, l'agriculture biologique contribue à la préservation de l'environnement.
Autre point très important, la limitation des pesticides chimiques permet le repeuplement des territoires par les insectes, dont le nombre a dramatiquement chuté en France depuis quelques décennies.
Au niveau de la santé publique, la diminution des pesticides chimiques dans l'alimentation est un effet positif de l'agriculture biologique.
Et au niveau goût, en soi l'agriculture biologique ne change rien, mais comme l'agriculteur obtient une plus grande fléxibilité pour définir ses prix, il peut produire des produits de meilleure qualité, et donc de facto les produits biologiques sont souvent (mais pas toujours) plus savoureux.

Bref, avec le bio, tout le monde est content, non?

Le bio, parfois, c'est foireux
Dans notre quête effreinée vers l'agriculture biologique, nous dénigrons les immenses progrès techniques réalisés depuis le XVIIème siècle, et nous les balayons en disant: "Ces méthodes polluantes, on n'en veut plus." Seulement, nos prédécesseurs n'étaient pas des imbéciles. S'ils en sont venus à créer des composés industriels, c'est qu'ils avaient de bonnes raisons.
Par exemple, si l'on a peu à peu abandonné la bouillie bordelaise, c'est que l'on a vu des sols devenir stériles. Les pesticides chimiques, avec tous leurs défauts, font toujours moins de dégâts dans les sols que la bouillie bordelaise que les agriculteurs bio utilisent en dépit du bon sens.

Et il y a des problèmes pour les rendements. Actuellement, l'humanité est pour la première fois de son histoire capable de produire suffisamment de nourriture pour que l'ensemble de la population soit à l'abri d'une famine (hélas, ce n'est absolument pas ce qui se passe, des populations entières continuent à mourir de faim tandis que d'autres gaspillent des quantités incroyables de nourriture). Si l'agriculture mondiale devenait "biologique", on ne pourrait pas nourrir les 6 milliards et quelques humains. Pire, l'agriculture biologique européenne serait incapable même de subvenir aux besoins des seuls Européens.

Mais les Européens demandent de l'agriculture biologique aujourd'hui. Ils en demandent plus que ce que l'Europe peut leur en fournir. Et donc, on fait venir des quantités astronomiques de produits agricoles bio de l'autre bout de la planète (principalement d'Amérique du Sud et d'Afrique).
Les transports occasionnés sont extrêmement polluants, à la fois en terme de dépense d'énergie et en terme de conservation (bah oui, vous ne croyiez quand même pas qu'une pomme du Pérou supportait le voyage sans renfort chimique).
Mais surtout, l'agriculture biologique a été conçue par des Européens pour des Européens. Et l'on ne peut pas appliquer les critères agricoles européens aux autres continents, aux climats, faunes et flores si différentes. Le Nord-Este brésilien en témoigne assez tragiquement, un désert s'étend là où les Portugais avaient tenté de faire de larges exploitations à l'Européenne. Aujourd'hui, les sols Sud-Africains s'appauvrissent à une vitesse faramineuse, et l'agriculture biologique ne fait qu'accentuer ce problème.
Enfin, si les produits agricoles partent d'Amérique du Sud ou d'Afrique vers l'Europe, ce sont autant de produits qui ne nourrissent pas le marché national. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces régions importent d'énormes quantités de nourriture d'Asie et d'Europe à prix d'or, ce qui entraîne de graves problèmes de flambée des prix et donc de sous-nutrition.

Mais finalement, le bio...
... C'est bien, mais pas top, lorsque l'on parle de produits européens.
... C'est mal, dès que l'on parle de produits venus de l'autre bout de la planète.